L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau

Ce livre est le premier d'une édition suffisamment récente qui me donnait d'apprendre le décès de l'auteur, Oliver Sacks en 2015.

J'écris donc ces lignes avec un désir de rendre hommage à son auteur.

J'ai lu 4 livres de Oliver Sacks Un anthropologue sur mars, Musicophilia, L'odeur du si bémol et celui-ci, ce qui m'attire dans la qualité de ses exposés, d'une part, c'est le très grand respect des personnes qui transparait à côté de son accompagnement qu'il décrit propre à chacun, de quelques mois à des années suivant les exemples pris. D'autre part, c'est la qualité scientifique de l'observation, qui se veut la plus objective et incontestable mais qui dans le même temps ne peut se résoudre à enfermer ses personnes dans leur pathologie. Oliver Sacks leur reconnaissait toutes les dimensions humaines sportives, intellectuelles, cognitives, imaginatives, spirituelles, il leur reconnaissait toujours cette âme scrutée dans le ressort vital de chacun. Cet élan vital qui peut unifier et personnaliser vraiment quelqu'un. Absolument remarquable.

Toutes ses rencontres, tous ses visages nous deviennent familiers. Ils font face à d'immenses défis qui proviennent au moins en partie de difficultés neurologiques.

Il peut faire naître en nous cette empathie et cette humilité pour s'inquiéter et pour servir ceux qui font face à des défis neurologiques.

Oliver Sacks en tant que neurologue et praticien averti  fut toujours à l'affut essayant de tirer tous les enseignements des différentes pathologies neurologiques rencontrées.

Le syndrôme de Korsakov ou les AGT amnésie globale transitoire (p 61), une journée effacée, c'est courant dans le black out bien décrit et relativisé par l'auteur.

Décrivant un choc qui provoqua un syndrôme du lobe frontal pour lequel les neurologues sont bien familiarisés "avec cette désinhibition générale à laquelle on assiste: impulsivité, loquacité, salacité, exhibition d'un "ça" desinhibé, non chalant, vulgaire " Oliver Sacks suggère une thérapie de "substitution" chère à A. R. Louriia. 

Présentant les différents défis d'une personne avec le syndrôme de Gilles de la Tourrette, ces impulsions non maitrisées et les défis quotidiens que cela amène, Sacks insiste sur la finesse d'étude des personnes et la qualité de reconnaissance et d'encouragements qui seules peuvent parer à des plaies souvent profondes;

Il évoque encore dans L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau, le destin de certaines personnes particulièrement éprouvées que ce soit:

- par des pertes de mémoires temporaires ou définitives, qu'elle porte sur une période de l'expérience personnelle courte ou très longue,

- par des pertes de proprioception, c'est à dire ce retour sur soi-même de la conscience d'avoir un corps et des membres bien à soi.

- par des challenges autistiques mais qui leur donnent de développer une faculté remarquable si l'on regarde bien ses capacités plutôt que ses handicaps.

- par des visions migraineuses

- par des limitations du développement intellectuel et cognitif, ces études de personnes que le très grand neurologue A. R. Louriia décrira comme "les plus émouvantes et les plus intéressantes de toute sa vie professionnelle"

Je cite un passage particulièrement inspirant pour tous les parents et les professionnels.

Sur les formes de thérapies appuyées sur la musique ou le théâtre

"La musique, ou tout autre forme narrative, sera essentielle si l'on travaille avec des retardés ou des apraxiques.

Dans leur cas, l'enseignement ou la thérapie devront être centrés sur la musique ou sur quelque chose d'équivalent.

Le théâtre apporte plus encore: le rôle a en effet  le pouvoir d'organiser, de conférer, le temps de sa durée, une personnalité entière.

L'aptitude à éxécuter, à jouer, à être semble être un "don" de la vie en un sens qui n'a rien à voir avec le quotient intellectuel. On voit ça chez les enfants, chez les vieillards et chez toutes les Rebeccas du monde¹."

p 239 dans l'édition de poche

1. L'auteur désigne là tous les simples d'esprit sur l'exemple de Rebecca une personne dont il vient d'exposer ses défis.

Les derniers exemples sont clairement pris chez des personnes autistes voilà pourquoi  j'ai l'intuition que l'étude des pathologies neurologiques qui peuvent nous éclairer sur les défis que rencontrent la personne autiste.

Ce livre est un joyau, à la portée de tous: par son édition de poche d'une part et la qualité de sa traduction d'autre part qui n'en fait pas un ouvrage de spécialiste en neurologie.

Bonne lecture à vous

Christophe